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ENFIN. vous dites-vous. Mère indigne s’attaque Ă  un vrai problème social important, Ă  la racine du mal par lequel l’intimidation et les photos d’ados-filles Ă  moue de truite se propagent comme un feu sauvage pendant une partie de tag-barbecue: FACEBOOK!

Mes chers amis, croyez-moi, j’aimerais vous ĂŞtre utile. Mais je dois l’avouer, j’ai honte. J’ai honte parce que 1- je suis l’amie Facebook de Fille aĂ®nĂ©e mais 2- ça doit bien faire trois mois que je n’ai pas Ă©tĂ© espionner son profil.

HĂ©, toi, l’ado qui ne veut pas ĂŞtre ami Facebook avec tes parents de peur qu’ils t’espionnent sans arrĂŞt, il faut bien que quelqu’un te le dise: ton Facebook est plate.

Je suis sĂ©rieuse. Il n’y a Ă  peu près aucun profil Facebook de plus plate que celui d’un ado. Pour les besoins de la dĂ©monstration, allons espionner le mur Facebook d’un ado typique. Nous y dĂ©couvrirons ceci:

Aujourd’hui, 10h38: « X a changĂ© sa photo de profil »
Aujourd’hui, 10h32: « X a changĂ© sa photo de couverture »
Aujourd’hui, 9h44: « X a changĂ© sa photo de profil »
Hier, 22h21: « X a changĂ© sa photo de couverture »
Hier, 22h13: « X a changĂ© sa photo de couverture »
Etc, etc.

Les photos en question se rĂ©sument en gĂ©nĂ©ral Ă  une succession de fonds d’Ă©cran tirĂ©s de Dragonball ou autre animĂ© japonais. Poche! Tout le monde sait que l’intĂ©rĂŞt d’une photo de profil, c’est qu’on peut la juger en disant que l’ami(e) dont on voit la face a donc ben vieilli/maigri/grossi ou qu’il s’habille mal ou qu’elle se pense bonne, etc. Les images de personnages animĂ©s n’ont aucun potentiel pour inspirer de la mĂ©chancetĂ© gratuite et sont donc complètement ennuyantes (voir Fig.1).

Fig. 1: Exemple d’image de profil chère aux ados
et totalement inintéressante

Certes, en tant que parents, on peut prĂ©fĂ©rer ça Ă  de vraies photos, surtout si les photos montrent votre ado-fille en train de se donner une dĂ©testable attitude du genre « moue de truite ». Mais que voulez-vous qu’elles fassent, nos ados-filles? Tout le monde sur Facebook se donne une attitude dans sa photo de profil. Pour certains, c’est « fou rire en gang » (message: « j’ai du fun et des amis comme tu n’en auras jamais »). D’autres privilĂ©gient l’attitude « contemplation de la bouteille de bière que j’ai ramenĂ©e de Suède » (i.e. « je suis un citoyen du monde doublĂ© d’un Ă©picurien redoutable pour qui la bière belge est dĂ©sespĂ©rĂ©ment ordinaire »). Quelques personnes ne publient que des photos de leurs pieds (« mes orteils sont plus beaux que tes yeux ») ou, parlant d’yeux, d’un seul Ĺ“il en très gros plan (« je suis tellement lucide que ça me fait mal »). La moue de truite sur la photo de profil de votre ado-fille signifie simplement: « Je ne regarde plus Dora l’exploratrice sauf des fois avec ma petite sĹ“ur ».

Parfois, pour briser une monotonie facebookienne qui lui fait sĂ»rement honte Ă  lui-mĂŞme, l’ado mettra en ligne un vidĂ©oclip de sa chanson prĂ©fĂ©rĂ©e du moment. Si on a de la chance, on pourra s’en servir sur notre playlist de course mais, plus souvent qu’autrement, il s’agira soit de pop rĂ©chauffĂ©e ou de musique alternative inspirĂ©e directement de celle des annĂ©es 90 – que nous avons vĂ©cues en direct. Parlant de ça, il se peut aussi très bien que le clip en question en soit un de Michael Jackson avec la lĂ©gende: « OMMMGG c trop poche kil es plus laaaa ». Heille, l’ado, je suis nĂ©e en 1971 et MJ m’appartient. Trouve-toi tes propres vedettes mortes.

Mais le plus dĂ©stabilisant, c’est de dĂ©couvrir que le profil Facebook de notre ado est quĂ©taine Ă  mort.

Primo, les ados s’aiment. Leur mur est rempli de « j’t'<333 ostiiii dfoooolllleeeee », « tĂ© trop beeeeelllllleee », « Jsuis trop contente de tconnaiiitreee <3″, « moi aussi je tadooorreee », etc. mĂŞme pas au deuxième degrĂ©. Et après ça, ça ose faire des bruits de vomi quand leurs parents se donnent un bisou devant eux.

Deuxio, leur profil est, horreur, rempli d’images bucoliques sur lesquelles sont inscrites des messages ultra-quĂ©taines. Exemple: « Ça prend un milliard de personnes pour faire un monde, mais juste toi pour faire MON monde, BITCH «. Sachez-le, les jeunes: mĂŞme si vous ajoutez des gros mots, les pensĂ©es inspirantes, ça reste culcul pareil.

Et tertio, nos ados font des quiz dĂ©biles auxquels nous, leurs parents, avons dĂ©jĂ  rĂ©pondu en 2008 (Quelle princesse de Disney ĂŞtes-vous? ĂŠtes-vous plutĂ´t singe ou escargot dans la mythologie lituanienne? Votre caractère s’apparente-t-il plus Ă  la pâte longue, courte ou molle? Etc.). Pour tout vous dire, je soupçonne mĂŞme Facebook de permettre Ă  certains ados de jouer Ă  Garden of Times avec leurs grands-parents. DĂ©courageant.

Autant se le dire franchement, sur Facebook, la diffĂ©rence est mince entre le profil d’un ado et celui de ma tante Yvonne.

D’oĂą mon conseil de cette semaine: tout parent qui se respecte se doit d’espionner la page Facebook de son enfant. C’est pourquoi vous chargerez votre conjoint de s’occuper de cette tâche somnifère entre toutes. Pendant ce temps, sirotez un gin tonic al fresco en faisant des recherches sur vos ex-chums et/ou blondes du secondaire. Parce que tout le monde sait que Facebook, c’est Ă  ça que ça sert pour vrai.

Voir notre enfant grandir, c’est un peu comme regarder un film d’horreur. Le titre. La métamorphose. Le scénario. un mini-humain tout rose, affectueux et souriant se transforme du jour au lendemain en énorme créature amorphe et simiesque.

simiesque [simjesk] adj.
Qui a la démarche, l’attitude, le poil, l’odeur et le vocabulaire du singe sauvage déporté de sa jungle profonde et qui se retrouve à présent terré dans votre sous-sol de banlieue.

J’exagère Ă  peine le caractère soudain de la transformation. Du jour au lendemain, les bras et les jambes s’allongent, le dos se courbe, la dĂ©marche se fait traĂ®nante, le regard se graisse-de-binifie et la voix, maintenant caverneuse, est surtout employĂ©e pour marmonner un perpĂ©tuel « J’aiiiiii faiiiiiim… ». Mais ça, ce n’est que le dĂ©but.

Car soudain, mesdames, votre fille a plus de poitrine que vous. Un bon matin, vous lui faites un câlin et, choc nerveux oblige, vous recrachez vos céréales dans ce qu’il faut bien appeler son décolleté naissant. Vous l’accompagnez alors dans l’achat de son premier soutien-gorge et vous vous rendez compte que 1- elle a beaucoup plus de choix que vous n’en aviez à son âge (où un seul modèle hideux était disponible en beige ou blanc) et que 2- elle a beaucoup plus de choix que vous n’en avez aujourd’hui (où soit vous achetez un soutif de sport, soit vous vous réconciliez avec votre danseuse exotique intérieure en vous procurant de la lingerie qui combine parfois maladroitement motifs léopards et dentelle fluo). Vous souffrez en silence en vous raccrochant au fait que bientôt, elle aura ses règles et ça n’est pas son mignon soutien-gorge lavande à étoiles dorées qui la consolera.

Autre chose, et pas des moindres. du jour au lendemain, les ados, il leur pousse du POIL. Pas du mignon petit duvet de caneton, non. Du vrai poil majeur et vaccinĂ© qu’ils chercheront Ă  Ă©liminer au grĂ© des modes et autres pressions culturelles. Oui, je sais, on aimerait que nos ados, nos ados-filles surtout, acceptent leur poil et en chĂ©rissent chaque brin comme un beau miracle de Mère Nature. Mais comment leur expliquer ça alors que, de un, le poil a disparu de l’imaginaire collectif et, de deux, on est super occupĂ©es au tĂ©lĂ©phone avec l’esthĂ©ticienne qui n’a plus de place cette semaine pour notre maillot Ă  la brĂ©silienne?

Bref, avec l’arrivĂ©e du poil et de son retrait inĂ©vitable, nous dĂ©couvrirons que rien de ce qui est humain n’est innĂ©. Rincer le rasoir qu’on emprunte Ă  sa mère pour se raser les jambes, par exemple, est un geste qui, apparemment, n’est pas instinctif. Les parents d’ados mâles savent aussi qu’il n’est pas dans les gènes de nos garçonnets nouvellement hirsutes de nettoyer le lavabo après le rasage de la barbe – et le processus d’apprentissage peut ĂŞtre très long, comme en tĂ©moigne parfois le lavabo familial après le passage de Père indigne.

Pendant que j’y pense, profitons donc de cette discussion intime pour adresser un message aux ados. vous qui frĂ´lez la crise d’épilepsie chaque fois qu’on vous surprend tout nus dans la salle de bain, sachez que de notre cĂ´tĂ©, nous n’avons aucune envie, AUCUNE, de vous voir flambettes avec vos poils crĂ©pus, vos grosses poitrines et vos zizis d’adultes. Laissez-nous un peu d’innocence et verrouillez cette fichue porte, bon sang.

Évidemment, il y a aussi l’Ă©ternelle question des boutons. Mais ça, les boutons, ça n’est pas vraiment un problème pour nos ados contemporains. En effet, les ados d’aujourd’hui ont grandi avec des machins Ă©lectroniques et vivent depuis leur naissance dans un monde oĂą les pitons, c’est cool. Qu’ils se trouvent sur leur visage ou sur une console de jeu, c’est pustule blanche, blanche pustule. En fait, la seule diffĂ©rence entre leur face et une Xbox, c’est que quand ils jouent avec leurs propres boutons, ils n’accumulent pas de points.

Bref, aussi horrifique que ce soit, nos ados se transforment, et eux comme nous devons apprendre à vivre avec. Que faire en tant que parent pour bien traverser cette période riche en rebondissements hormonaux, pustuleux, pileux et autres? Facile. Il suffit de désamorcer les situations tendues en faisant preuve d’un humour de bon aloi. Rien de tel, en effet, qu’une petite blague bien tournée pour détendre l’atmosphère et établir une complicité qui durera toute la vie (voir fig. 1).

Fig. 1. Mère indigne établissant, par le biais de l’humour,
une complicité qui durera toute la vie.

Croyez-moi, ça fonctionne comme un charme. J’ai essayé ça il y a trois jours et j’attends seulement que Fille aînée daigne enfin ressortir de sa chambre pour poursuivre mon bon travail.

C’est bien connu, les ados grandissent. Et Ă  moins de dĂ©mĂ©nager près d’une usine Ă  produits chimiques nĂ©fastes Ă  la croissance, on n’y peut pas grand chose. Or, cette extension corporelle a des effets tragiques dans le domaine du vĂŞtement.

Ayant deux filles, je les ai vues grandir dans la terreur de voir un jour ma garde-robe se vider et mes vĂŞtements disparaĂ®tre entre leurs mains kleptomanes, surtout que pendant toute leur enfance elles n’arrĂŞtaient pas de me demander « Maman, est-ce que je vais pouvoir mettre ta belle robe quand tu seras morte? » Alors je m’attendais au pire.

Or, voilĂ  que Fille aĂ®nĂ©e me dĂ©passe. Elle s’est levĂ©e un matin et mon traditionnel bisou sur le front a atterri sur son menton. Les problèmes sont apparus instantanĂ©ment. Premièrement, ses vĂŞtements et les miens ayant grosso modo la mĂŞme taille (mĂŞme si j’ai un peu plus de « grosso » et elle de « modo »), quand c’est le tour de Père indigne de ranger les vĂŞtements, il se trompe systĂ©matiquement. Ça n’est pas de la mauvaise volontĂ©, juste un effet secondaire de son statut d’unique homme de la maison qui sait qu’on ne risque pas de mĂ©langer ses caleçons Ă  lui avec ceux des autres membres de la cellule familiale (par esprit de contradiction, je porte ses bobettes une fois de temps en temps). Bref, avec sa mĂ©thode de rangement approximative, s’habiller le matin devient une grande partie de chasse au trĂ©sor Ă  laquelle absolument personne n’a envie de jouer. Mais ça n’est pas tout.

Anticipant le chapardage, j’ai immĂ©diatement fait poser un gros cadenas sur la porte accordĂ©on de ma garde-robe. En vain!

Par « en vain », je ne veux pas dire que Fille aĂ®nĂ©e y a accĂ©dĂ© quand mĂŞme, non. Je veux dire qu’elle n’a mĂŞme pas essayĂ©. C’est alors que j’ai rĂ©alisĂ© quelque chose: mon ado s’habille pas mal mieux que moi quand j’Ă©tais ado (mais ça, c’est normal, j’Ă©tais ado en 1985) et elle s’habille peut-ĂŞtre mĂŞme mieux que moi en ce moment. Oui, je les ai vus, dans ses tiroirs, ces t-shirts cool et ces chemisiers classiques et de bon goĂ»t qui sont totalement absents de mes propres affaires. Et pour tout vous dire, des fois, je la trouve mĂŞme un peu en retard sur son hypersexualisation; quelques petits tops Ă  bretelles spaghetti, ça serait pratique quand je veux aller Ă  un cinq Ă  sept et que je n’ai rien Ă  me mettre.

Bref, mon conseil pour les parents d’ados qui ont trop bon goĂ»t en matière de vĂŞtements: SOYEZ FINS RENARDS (voir fig. 1).

Fig. 1: Mère indigne, juste avant de rĂ©aliser qu’il lui aurait fallu ĂŞtre davantage fine renarde

En plus de bien s’habiller, Fille aĂ®nĂ©e a de très bons instincts en matière de droit pĂ©nal. En invoquant la lĂ©gitime dĂ©fense, elle a rĂ©ussi Ă  me faire payer pour son cadenas Ă  elle.

Lundi, 1er avril, jour de poisson et de congé scolaire. Une délégation familiale entre dans la chambre de Fille Aînée.

Mère indigne – ChĂ©rie! RĂ©veille-toi! Il est sept heures, tu vas manquer l’autobus!

Fille AĂ®nĂ©e – Grmlmfgh… Ben lĂ Ă Ă Ă Ă ! On est en congĂ©!

Lalie – POISSON D’AVRIL!

Mère indigne – Ouain, poisson. Il est midi et quart.

Fille AĂ®nĂ©e – Pis?

Mère indigne – Il faut que tu te lèves pour ne pas te coucher trop tard ce soir. Ton père et moi on a prĂ©vu FAIRE L’AMOUR.

Fille AĂ®nĂ©e – Vous ĂŞtes dĂ©gueulasses.

Père indigne (anxieux, Ă  son Ă©pouse) – Ça, c’est PAS un poisson d’avril, hein chĂ©rie?

Lalie – Ben oui Papa! C’est sĂ»r que c’est un poisson d’avril! Nicolas Ă  l’Ă©cole y m’a dit que ceux qui font le sexe, y se lichent le ventre. (rire hystĂ©rique ) Maman et toi, vous ferez jamais ça. Hein, vous ferez JAMAIS ça?

Mère indigne – Calme-toi, chĂ©rie. On fera JAMAIS ça.

Père indigne – Quoique.

Fille AĂ®nĂ©e et Lalie – OUACHE!

Mère indigne – Fiez-vous sur moi les filles, votre père vient de faire un poisson d’avril.

Lalie – Heille tout le monde! Ce que je vais vous dire, lĂ , c’est vrai. C’est pas un poisson d’avril, OK? C’est vraiment VRAI. J’ai pĂ©tĂ©.

Fille AĂ®nĂ©e – Sortez tous de ma chambre. ImmĂ©diatement.

Quand mĂŞme, hein? Il faut l’avouer: le premier avril, c’est tellement plus chouette en famille.

Chez les ados, il n’y a pas que le squelette qui grandisse. En effet, plus leurs bras et leurs jambes s’allongent, plus leur cĂ´tĂ© blasĂ© se manifeste aussi, mĂŞme lors des plus belles occasions de cĂ©lĂ©bration. Et on a beau continuer Ă  leur parler comme Ă  des bĂ©bĂ©s, il devient de plus en plus difficile de susciter chez nos protos-adultes l’esprit de fĂŞte commun aux tout-petits Ă  qui l’on propose de la crème glacĂ©e et aux shih tzus Ă  qui on propose, euh, rien – ils sont toujours en fĂŞte, ces imbĂ©ciles de chiens. (J’en ai un, j’ai le droit.)

L’une des raisons de ce blasonnement (le mot existe, utilisons-le mĂŞme s’il ne veut pas dire la bonne affaire) tient Ă©videmment au fait qu’ils nous en veulent de leur avoir menti au sujet de leurs idoles, le Père NoĂ«l, la FĂ©e des dents et le Lapin de Pâques. Moi, ça me soulage plutĂ´t de savoir qu’aucun homme avec un fĂ©tichisme de cheminĂ©e ne s’introduit chez moi par effraction, qu’aucun insecte volant d’apparence humaine ne collectionne mes os et que mes Ĺ“ufs de Pâques n’ont pas Ă©tĂ© tripotĂ©s par un lapin aux pattes pleines de germes. Mais nos enfants font preuve d’un sentimentalisme dĂ©plorable Ă  ce sujet et ils nous le font payer plus tard en envoyant des textos pleins de fautes et en simulant l’Ă©pilepsie sur le Harlem Shake. (Oui, les jeunes, vos parents aussi ont honte de vous, parfois.)

Comment, dès lors, faire participer nos ados Ă  ces occasions qui doivent ĂŞtre fĂŞtĂ©es en famille sous peine de se faire juger par les voisins? Facile. Il suffit de les impliquer dans la cĂ©lĂ©bration avec amour, ouverture et diplomatie. Pour NoĂ«l, par exemple, j’ai dĂ©lĂ©guĂ© Ă  Fille aĂ®nĂ©e le soin d’emballer les cadeaux de Lalie et de dĂ©corer le sapin de NoĂ«l pendant que je critiquais sa mĂ©thode en ricanant, un gin tonic Ă  la main. C’est aussi mon ado qui a transmis Ă  sa petite sĹ“ur la belle lĂ©gende du Père NoĂ«l. Quoi de mieux que voir les Ă©toiles s’allumer dans le regard d’un bambin pour contrer le cynisme chez ceux qui ont grandi? En plus, quand viendra le temps de dire Ă  Lalie que le Père NoĂ«l, c’est de la foutaise, c’est Fille aĂ®nĂ©e qui passera pour la grosse mĂ©chante, pour une fois.

Pas plus tard que ce matin, j’ai dĂ©cidĂ© d’Ă©veiller Fille aĂ®nĂ©e aux splendeurs de Pâques. « C’est Pâques dimanche, as-tu hâte? », lui ai-je demandĂ©. Sur un ton enthousiaste, elle m’a rĂ©pondu que oui. « Tu me NIAISES? », lui ai-je rĂ©pliquĂ©. « Tu es une ADOLESCENTE! Tu n’es pas supposĂ©e avoir HĂ‚TE! Tu es ANORMALE! » Suite de quoi, elle s’est enfermĂ©e dans sa chambre. Mon travail de parent aimant, ouvert et diplomate pouvait commencer. J’ai Ă©tĂ© frapper Ă  sa porte et lui ai valeureusement tendu une perche pascale qu’elle ne pouvait pas ignorer (voir Fig. 1).

Fig. 1: Mère indigne impliquant son ado dans la célébration avec amour, ouverture et diplomatie

Rabat-joie comme d’habitude, Père indigne pense que quand viendra dimanche, contrairement Ă  JĂ©sus, notre fille va rester dans sa chambre. Eh bien moi, je lui rĂ©ponds: « Ouain, tu as peut-ĂŞtre raison. »

C’Ă©tait il y a quelques annĂ©es et pourtant, la tĂŞte me pique encore comme si c’Ă©tait hier.

Père indigne venait tout juste de recevoir par la poste un microscope Ă  prise USB, un genre de crayon avec une lentille au bout, qui se branche sur l’ordi et qui permet d’observer des trucs en mille fois plus gros directement sur notre Ă©cran. Un soir, au retour du travail, il s’amusait Ă  examiner du matĂ©riel Ă©minemment scientifique avec son nouveau microscope, comme ses poils d’oreilles, ses papilles gustatives et ses rognures d’ongles, sans parler des parois intĂ©rieures de son nez.

C’est Ă  ce moment-lĂ  qu’un petit machin noir est tombĂ© sur la feuille de devoirs de Lalie.

J’ai fait 2+2 avec le papier que nous avait envoyĂ© l’Ă©cole et oĂą il Ă©tait Ă©crit:

Pas de doute, c’Ă©tait un pou. Sans doute la faute de Lili-BĂ©atrice Ă  qui Lalie avait l’habitude de faire des câlins complètement disproportionnĂ©s alors qu’elle ne savait mĂŞme pas quel Ă©tait son nom de famille. J’ai hurlĂ©.

Père indigne, lui, a bondi de joie. Je pense que je ne l’ai jamais vu aussi heureux ni aussi pressĂ© d’observer un corps nu et frĂ©tillant. En tout cas, avec moi, il ne s’est jamais servi d’un microscope. Son examen scientifique nous rĂ©vĂ©la une crĂ©ature d’une semi-transparence dĂ©goĂ»tante, avec une petite tĂŞte et un Ă©norme ventre, et qui nous adressait indubitablement deux doigts d’honneur bien sentis:

Quand des poux se prĂ©sentent chez votre enfant, que faire? Tout d’abord, paniquez. Si, si. Il faut s’habituer tout de suite Ă  ce sentiment de dĂ©tresse qui ne vous quittera plus pendant un bon moment. MĂŞme deux ans plus tard, Lalie ne peut pas me faire un câlin sans que je lui fouille discrètement la tĂŞte comme une entomologiste nĂ©vrosĂ©e.

Deuxièmement, prĂ©cipitez-vous Ă  la pharmacie. Les pamphlets de l’Ă©cole vous conseilleront deux types de traitements; vous vous rendrez compte qu’il n’y a qu’un de disponible sur les tablettes. C’est tout Ă  fait normal. Les parents expĂ©rimentĂ©s ayant fait leurs provisions au mois d’aoĂ»t, il reste seulement le shampooing qui ne fonctionne pas. Vous l’achèterez tout de mĂŞme, ce qui ne vous empĂŞchera pas de passer, remplie d’un dĂ©sir inavouable, dans l’allĂ©e des clippers en vous disant que c’est bien dommage que la mode ne soit pas aux fillettes chauves. Rebelote dans l’allĂ©e des teintures; quel scandale que la dĂ©cence nous interdise de teindre notre enfant de cinq ans en blond alors que le peroxyde, ça tue sĂ»rement les poux!

On dit que les singes s’Ă©pouillent pour renforcer leur esprit de clan. Ce sont ces mĂŞmes poux qui nous prouvent hors de tout doute que Darwin avait tort: l’homme ne descend pas du singe. Chez l’homme, les pouilleux deviennent des parias dans leur propre famille. Vous assĂ©nerez Ă  votre enfant plein de poux son premier grand traumatisme Ă©motionnel: « NON! N’approche pas ta tĂŞte du divan/de mon lit/du chien/du lit du chien/de PERSONNE! Tu ne dois toucher Ă  RIEN, comprends-tu? Ă€ RIEN! Sinon, on va ĂŞtre obligĂ©s de mettre le FEU Ă€ LA MAISON et ça sera TA FAUTE! » Ainsi sermonnĂ©, votre rejeton sera prĂŞt Ă  rester bien sagement assis sur une chaise pendant quatre heures chaque soir, deux semaines durant, le temps que vous examiniez (sans l’enthousiasme simiesque) ses cheveux un Ă  un pour tenter d’y dĂ©busquer toutes les crĂ©atures de cauchemar qui y prospèrent.

Information cruciale #1: les lentes collent aux cheveux et se rient du peigne Ă  poux, qui ne vaut rien. Soyons Ă©cologiques et sauvons ces milliers d’arbres en plastique sacrifiĂ©s pour la confection d’un objet obscènement inutile.

Information cruciale #2: je suis dĂ©solĂ©e d’avoir Ă  le dire publiquement, mesdames, mais la traque des poux, c’est vous qui allez devoir vous en occuper. Dans ce domaine, les stĂ©rĂ©otypes hommes/femmes, c’est la rĂ©alitĂ©. PĂ©diculosement parlant, l’homme voit le portrait global. Et le portrait global n’inclut pas les bestioles de 500 micromètres qui gambadent dans la tĂŞte de leurs hĂ©ritiers. Nous, les femmes, on s’attarde aux dĂ©tails. On les voit, les salauds de poux avec leurs Ĺ“ufs. On les dĂ©tecte et on les isole et on les pince et on les arrache et on les jette avec mĂ©pris dans une tasse profonde oĂą notre mari (qui deux minutes auparavant nous jurait qu’il ne voyait « rien du tout » sur la tĂŞte Ă  l’examen) ira plonger allègrement son stupide microscope. Nous, mesdames, encore fidèles Ă  notre nature, nous multitaskerons: nous enlèverons les poux et les lentes tout en murmurant Ă  l’adresse de notre soi-disant « douce moitiĂ© » des insultes viles et sans doute rĂ©prouvĂ©es par la morale.

Cela vous paraĂ®tra impossible mais ça demeure vrai: un jour, vous viendrez Ă  bout du parasite. Cependant, ne vous faites pas d’illusions. Il suffira d’un câlin parascolaire pour que les poux reviennent vous faire le mauvais doigt.

Dernière chose au sujet des singes. Ils s’Ă©pouillent pour renforcer l’esprit de clan, mais personne ne dit pourquoi ils mangent les poux qu’ils enlèvent de la tĂŞte de leurs congĂ©nères. Moi, je le sais. Ça n’est pas pour les protĂ©ines ou pour satisfaire une compulsion malsaine de type « dĂ©gustation de crotte de nez ». C’est parce que lorsqu’ils les mangent, les poux s’en vont directement agoniser dans l’acide gastrique et ne pourront jamais en revenir. JAMAIS! AHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAH!

On n’est peut-ĂŞtre pas de la mĂŞme famille mais c’est quand mĂŞme malin, un singe.

L’autre jour, j’ai essayĂ© de faire confiance Ă  un tabouret. Je me suis assise dessus et j’ai commencĂ© Ă  lui avouer des trucs. Comme le fait que j’ai commis deux vols dans ma vie: une fois Ă  huit ans (j’avais volĂ© une efface Ă  un ami) et l’autre fois Ă  douze ans (j’avais volĂ© une efface Ă  un ami – ben quoi, je fais preuve de cohĂ©rence, c’est tout). Je lui ai aussi confiĂ© que je n’en pouvais plus de me faire donner des indications routières par Père indigne mĂŞme quand on va juste au dĂ©panneur. Et puisque nous avions abordĂ© le tabou automobile, je lui ai finalement racontĂ© la fois vraiment clichĂ© oĂą, au volant de ma voiture, j’ai fouillĂ© dans mon nez Ă  une lumière rouge.

Le tabouret ne m’a jamais rĂ©pondu.

Impossible de savoir ce qu’il pensait, et impossible aussi de lui soutirer la moindre confidence. Monsieur vivait sa vie de tabouret dans un silence total, et pour ce que j’en savais, ça n’Ă©tait peut-ĂŞtre pas une très bonne idĂ©e de mettre la sĂ©curitĂ© de mon derrière entre ses mains. Mais malgrĂ© tout, j’ai persistĂ© Ă  lui faire confiance .

Pour nos ados, c’est exactement la mĂŞme chose. On a beau s’asseoir dessus, ils ne se confient pas spontanĂ©ment Ă  nous. Et ça n’est pas parce que nous, les parents, nous ne sommes pas ouverts! Au contraire, nous ne demandons rien d’autre que de jaser tout bonnement avec nos proto-adultes afin d’opĂ©rer les rapprochements indispensables Ă  l’Ă©tablissement d’une confiance mutuelle enrichissante, genre-style-comme.

Tiens, pas plus tard que l’autre jour, j’ai posĂ© une question toute en ouverture Ă  Fille aĂ®nĂ©e: « Dis donc, ce Carl-Robert dans ta classe, il est donc bien grand pour un secondaire deux! Es-tu sĂ»re que ça n’est pas un proxĂ©nète? » Eh bien, elle a refusĂ© de me rĂ©pondre. Une autre fois, après qu’elle soit rentrĂ©e d’une soi-disant fĂŞte d’anniversaire, je lui ai demandĂ© un compte-rendu minute par minute de sa soirĂ©e (simple curiositĂ© amicale). Ensuite, je lui ai fait vider ses poches devant moi (c’est plus pratique pour la lessive, c’est tout) et j’ai vĂ©rifiĂ© qu’elle arrivait Ă  marcher droit sur une rangĂ©e de tuiles de la cuisine (pas pour tester sa sobriĂ©tĂ©, franchement; juste pour s’amuser). La tĂŞte qu’elle m’a faite! On aurait cru que j’essayais de lui faire passer un polygraphe, un test d’urine et des prises de sang en lui insĂ©rant Ă  son insu un GPS sous-cutanĂ©; je ne suis pas folle, je garde ça pour son bal des finissants. Et puis d’abord, si je voulais contrĂ´ler ses moindres mouvements, je n’aurais qu’Ă  la suivre partout. Je suis une adulte, j’ai le droit.

Mais je ne le fais pas. Que non! Parce que mĂŞme quand on n’a pas toutes les informations, il faut apprendre Ă  faire confiance Ă  son ado. Premièrement, s’il nous cache quelque chose, c’est temporaire – Ă  neuf mois, la grossesse va commencer Ă  paraĂ®tre, c’est obligĂ©. Et deuxièmement, les secrets, c’est une simple loi de la nature. Comme Darwin l’a bien expliquĂ© dans la thĂ©orie de l’Ă©volution, si on savait tout sur notre ado, on ne pourrait probablement plus se concentrer sur rien, d’oĂą l’incompĂ©tence, d’oĂą la mise Ă  pied, d’oĂą la dĂ©pression, d’oĂą la faillite et pour finir d’oĂą la mort.

D’oĂą mon conseil de cette semaine: MĂŠME DANS LE DOUTE, FAITES CONFIANCE (voir fig. 1).

Fig. 1: Contre vents et marées, Mère indigne fait confiance.

Vous remarquerez que parfois, mieux vaut faire confiance avant d’avoir toutes les informations. On a l’air moins fou.